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Shantaram : du best-seller à l'écran, adaptation réussie ou déception ?

Paru en 2003, Shantaram de Gregory David Roberts est un pavé littéraire de plus de 900 pages qui a marqué des millions de lecteurs à travers le monde. Inspiré de la vie de l’auteur, ancien détenu australien évadé, le roman nous plonge dans les rues tumultueuses de Bombay, au cœur d’une aventure mêlant rédemption, trafic d’armes, philosophie orientale et humanisme. En 2022, Apple TV+ lance l'adaptation très attendue de ce phénomène littéraire, avec Charlie Hunnam dans le rôle principal. Faut-il s'en réjouir ? Est-ce une adaptation à la hauteur du livre ?

Comprendre Shantaram : un roman tentaculaire et profondément humain

Avant de juger l’adaptation, prenons un instant pour rappeler ce qui fait la richesse du roman. Shantaram n’est pas seulement un récit d’aventure. C’est une exploration intime de l’âme humaine et un hommage vibrant à l’Inde, en particulier à la ville de Bombay. Gregory David Roberts y raconte l’histoire de Lin, un ancien héroïnomane évadé de prison, qui trouve refuge dans les bidonvilles de Bombay. Là, il soigne les plus pauvres, s’implique dans la mafia locale et s’interroge sur la nature du bien et du mal.

Le roman est foisonnant : multitude de personnages, textures linguistiques variées, réflexions philosophiques profondes, scènes d’action et de contemplation. Le lecteur est transporté dans un univers à la fois violent et lumineux, où chaque rencontre et chaque quartier de la ville devient un monde à part entière.

L’adaptation d’Apple TV+ : une production ambitieuse

L’annonce d’une adaptation télévisée de Shantaram a soulevé une certaine appréhension chez les lecteurs. Comment restituer une œuvre si riche, si dense, en images ? Et qui, parmi les acteurs hollywoodiens, pourrait incarner Lin avec justesse ? Produit par Apple TV+ en 2022, le projet longuement retardé par la pandémie et des problèmes de réécriture, rassemble pourtant des moyens conséquents.

Charlie Hunnam (connu notamment pour Sons of Anarchy) endosse le rôle principal. La série promet de filmer sur les lieux mêmes du roman, dans les rues de Bombay, conservant certaines lignes narratives essentielles. Mais très vite, en visionnant la série, une question se pose : peut-on condenser toute la complexité d’un tel roman en dix épisodes ?

Les forces de l'adaptation : fidélité visuelle et atmosphérique

Commençons par ce que réussit la série. Visuellement, c’est une véritable réussite. Les décors, le chaos vibrant de Bombay, les contrastes entre ombre et lumière, sont bien rendus. Les plans de la ville donnent parfois l’impression d’être dans un documentaire tant la matière urbaine semble tangible et vivante.

Le personnage de Lin, tel qu'interprété par Charlie Hunnam, parvient à transmettre une part de la quête intérieure du protagoniste. Et certains personnages secondaires comme Prabaker – le guide et ami de Lin – sont très réussis, capturant bien l’humanité, l’humour et la tendresse présents dans le roman.

Sur le plan de la narration, la série parvient à transmettre les grandes lignes de l’intrigue : la fuite de Lin, son immersion dans les bidonvilles, son passage à la clandestinité, et sa relation trouble avec la mafia locale.

Les limites de l’adaptation : simplification et perte de profondeur

Cependant, l’adaptation souffre inévitablement de contraintes de format. La profondeur philosophique du livre, ses digressions métaphysiques et littéraires, ses dialogues introspectifs — tout cela est largement gommé dans la série. Les femmes, comme Karla, personnage central dans le roman, sont moins développées et perdent une partie de leur ambiguïté fascinante.

De même, certains événements sont accélérés ou réduits à l’état de simples anecdotes, alors qu’ils occupaient dans le livre plusieurs chapitres. La complexité morale du récit — ce qui faisait toute sa force — est diluée au profit d’un rythme plus classique, à base de cliffhangers et de péripéties.

La narration, dans le roman, installe un lien presque organique entre le lecteur et Lin, à travers une voix intérieure forte. Or, dans la série, cette voix-off est trop peu exploitée pour transmettre la même densité émotive. Un procédé plus audacieux aurait peut-être été nécessaire, comme l’ont réussi certaines adaptations précédentes telles que Room, où l’intimité du point de vue du personnage se maintenait magistralement.

Comparaisons avec d’autres adaptations littéraires

Il est intéressant de comparer Shantaram à d’autres adaptations de romans complexes à l’écran. Par exemple, Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre, adapté par Albert Dupontel, a su conserver une partie de la poésie noire du roman grâce à une mise en scène inventive et une narration différenciée. À l’inverse, certaines tentatives, bien que fidèles dans la trame, échouent à capturer l’essence littéraire du matériau original, comme c’est partiellement le cas pour Le Parfum de Patrick Süskind, dont l’adaptation a laissé de côté la nature profondément sensorielle du récit.

Pour revenir à Shantaram, la série donne parfois l’impression de ne pas savoir choisir entre thriller dramatique et fresque humaniste. Cette hésitation nuit à l’ensemble et peut laisser les fans du livre sur leur faim.

Pour les lectrices : faut-il regarder la série après avoir lu le livre ?

Si vous avez adoré le livre pour son intensité narrative, ses descriptions empreintes d’émotions et de spiritualité, la série risque de vous sembler légère en comparaison. Mais elle peut aussi être vue comme une relecture visuelle, imparfaite mais sincère, d’un monde que vous avez imaginé pendant votre lecture.

Si vous êtes curieuse d’explorer ce type d’adaptation, nous vous recommandons de découvrir également notre analyse de "Les Misérables" au cinéma, qui montre bien la difficulté d’adapter une œuvre aussi dense et symbolique.

Conclusion : adaptation inégale d’un roman inadaptable ?

Shantaram, par sa nature hybride entre autobiographie romancée et philosophie de vie, n’est pas un roman simple à adapter. La série d’Apple TV+ réussit partiellement son pari : elle donne envie de se plonger ou replonger dans le roman, elle saisit bien l’ambiance de Bombay et la quête d’absolu de son héros. Mais elle échoue à rendre l’introspection, les nuances spirituelles et la polyphonie des voix qui faisaient du livre une expérience littéraire unique.

Une belle porte d’entrée pour les non-lectrices, sans doute, mais un goût d’inachevé pour celles qui ont marché avec Lin dans les ruelles de Bombay pendant près de 950 pages.

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