Ce site Web a des limites de navigation. Il est recommandé d'utiliser un navigateur comme Edge, Chrome, Safari ou Firefox.

Se perdre dans Rebecca : livres et films à l’épreuve du temps

Depuis sa publication en 1938, Rebecca de Daphne du Maurier ne cesse de captiver des générations de lectrices. Ce roman gothique, mélange d’amour, de suspense et de mystère, a donné naissance à plusieurs adaptations cinématographiques, dont la plus célèbre reste celle d’Alfred Hitchcock en 1940. Plus récemment, Netflix a tenté de revisiter cette œuvre mythique en 2020. Que nous dit la longévité de Rebecca sur la puissance du récit littéraire ? Comment les versions cinématographiques s’en emparent-elles ? Et surtout : pourquoi Rebecca continue-t-elle de résonner auprès des lectrices aujourd’hui ?

Rebecca de Daphne du Maurier : un classique du roman gothique

Rebecca est bien plus qu’une simple histoire d’amour entre une jeune narratrice anonyme et l’énigmatique Maxim de Winter. C’est une plongée dans un univers sombre, dominé par la mémoire d’une femme morte — Rebecca — dont la présence imprègne chaque recoin de la demeure de Manderley. Daphne du Maurier réussit à créer une tension psychologique soutenue, en hybridant le roman sentimental victorien et le thriller psychologique. La force du roman réside dans sa capacité à créer un malaise croissant, à mesure que la narratrice s'efface derrière l’ombre omniprésente de Rebecca.

La prose de du Maurier est simple, mais chargée de symboles et de sous-entendus. En cela, elle évoque par moments l’écriture sensorielle évoquée dans Le Patient anglais. Comme Michael Ondaatje, elle sait manier l’ambiguïté et la suggestion pour densifier ses personnages et leurs dilemmes intérieurs.

La richesse thématique de Rebecca : identité, mémoire et pouvoir féminin

Ce qui rend Rebecca profondément moderne, c’est la manière dont il interroge l’identité féminine. La narratrice, jamais nommée — choix délibéré de du Maurier — est littéralement privée d'identité. Elle est définie par ce qu’elle n’est pas : elle n’est ni Rebecca, ni la véritable maîtresse de Manderley. Elle est perpétuellement « l’autre femme », cherchant sa place dans un univers conçu par — et pour — la première épouse disparue.

Rebecca, bien que morte, est aussi un personnage puissant. Si elle est parfois évoquée comme manipulatrice, c’est aussi elle qui contrôle la mémoire collective de la maison et de ceux qui l’ont connue. Ce renversement des rôles féminins, surtout dans le contexte du début du XXe siècle, donne au roman une portée féministe insoupçonnée, ou du moins une complexité psychologique rarement offerte aux personnages féminins à l’époque.

Rebecca au cinéma : Hitchcock et l’ambivalence de l’adaptation

Le film d’Alfred Hitchcock, sorti en 1940 avec Laurence Olivier et Joan Fontaine, reste une référence incontournable. Tourné dans un noir et blanc saisissant, il retranscrit fidèlement l’atmosphère pesante et la tension psychologique du roman. Pourtant, fidèle à la logique hollywoodienne de l’époque (et au prisme du Code Hays), Hitchcock modifie un élément essentiel : dans le livre, Maxim avoue avoir tué Rebecca ; dans le film, il affirme qu’elle est morte accidentellement. Ce pivot moralisé change la profondeur du personnage de Maxim et amoindrit la noirceur de l’intrigue.

Mais le film conserve l’ambiguïté de la narration et l’importance du non-dit. Le choix de Joan Fontaine pour incarner la narratrice renforce la fragilité émotionnelle du personnage, tandis que Judith Anderson, dans le rôle de la gouvernante Mrs. Danvers, fascine par son fanatisme glaçant. Cette version cinématographique est un bon exemple à comparer à Forrest Gump où, comme dans Rebecca, de nombreux choix narratifs ont été effectués pour lisser les aspects les plus complexes du texte d’origine.

L’adaptation Netflix de 2020 : entre réinterprétation et esthétisation

L’adaptation plus récente, portée par Armie Hammer et Lily James, s’appuie largement sur une direction artistique léchée et de beaux décors. Pourtant, elle a reçu un accueil critique mitigé. Beaucoup ont reproché au film de manquer de profondeur psychologique et de tension. En cherchant à moderniser les dynamiques de couple et à rendre les personnages plus sympathiques, l’adaptation perd une partie de la cruauté psychologique qui faisait tout le sel du roman.

Ce constat pose une question intéressante : peut-on adapter un roman comme Rebecca sans en diluer la noirceur ? L’approche Netflix rappelle, dans une certaine mesure, certaines adaptations qui peinent à conserver la justesse émotionnelle du roman, comme cela a aussi été observé pour La Délicatesse de David Foenkinos, où la magie du texte se perd partiellement à l’écran.

Rebecca et la fascination des lectrices d’aujourd’hui

Pourquoi Rebecca continue-t-il de séduire tant de lectrices ? Le roman semble toujours trouver un écho chez celles qui interrogent leur place, leur pouvoir, leur identité au sein du couple ou de la société. Il ne s’agit plus seulement d’un roman gothique, mais bel et bien d’un miroir tendu à l’expérience féminine complexe : se sentir encombrée par les attentes, comparer sans cesse ses choix, lutter contre des fantômes — réels ou symboliques.

Le style de du Maurier, à la fois accessible et évocateur, permet une lecture fluide mais intense. La force des paysages décrits, la maison de Manderley en tant que personnage à part entière, et l’évolution intérieure de l’héroïne en font un terrain de projection infini. Le roman n’impose pas de réponses, mais offre une profondeur rare, dans la lignée d’œuvres comme Le Journal d’Anne Frank, où la simple narration d’un quotidien permet une réflexion intime et universelle.

L’héritage de Rebecca : un modèle pour les récits introspectifs au féminin

Plus qu’un chef-d’œuvre de suspense, Rebecca est un roman miroir : il donne à voir les angoisses de la construction de soi à travers le prisme du regard des autres. Cette dimension introspective traverse d’ailleurs d'autres œuvres littéraires majeures qui explorent l'identité féminine face à la mémoire, à l’amour ou au traumatisme.

À travers ses différentes adaptations, le récit de Daphne du Maurier révèle une vérité difficile à traduire à l’écran : une part essentielle du mystère est d’ordre intérieur. Comme pour Les Piliers de la Terre, il semble que le roman de du Maurier échappe toujours — subtilement mais sûrement — à ses adaptations, parce que sa magie réside dans le silence de ses espaces psychologiques.

En conclusion, lire Rebecca aujourd’hui, c’est non seulement redécouvrir un classique, mais aussi se permettre une immersion intense dans les méandres de l’âme féminine. Il est rare qu’un roman conserve autant de pouvoir émotionnel près d’un siècle après sa publication. Rebecca laisse une empreinte, et comme le dit la narratrice dans la toute première phrase du livre : "Hier soir, j’ai rêvé que je retournais à Manderley."

MUSE BOOK CLUB : la marque des lectrices.

Explorez notre collection de vêtements et accessoires littéraires pour les amoureuse des livres.

DÉCOUVRIR LA MARQUE →

Panier

Plus de produits disponibles à l'achat

Votre panier est vide.