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L'étrange méthode de Flaubert pour trouver le mot juste

Gustave Flaubert est souvent décrit comme l’un des plus grands stylistes de la littérature française. À travers Madame Bovary, Salammbô ou L’Éducation sentimentale, il a marqué l’art du roman par une obsession presque maladive du style parfait. Chez lui, l’acte d’écrire relevait d’un combat intérieur, d’une quête exigeante et solitaire : celle du « mot juste ».

Le « gueuloir » : un outil unique pour traquer la dissonance

Flaubert ne se contentait pas de relire ses textes à voix haute comme on le ferait aujourd’hui pour vérifier la fluidité d’un paragraphe. Non. Il allait dans une pièce dédiée de sa maison à Croisset — qu’il appelait le « gueuloir » — et récitait ses phrases à haute voix, parfois pendant des heures, jusqu’à ce que le rythme, la musicalité, la justesse de la formulation soient impeccables à son oreille.

Cette méthode qu’il imposait sans ménagement à son processus d’écriture avait pour but d’éprouver la phrase dans sa dimension sonore. Car pour Flaubert, la beauté littéraire d’un texte ne se mesurait pas uniquement à son sens ou à sa structure, mais aussi à sa musique. Le mot devait non seulement dire juste, mais aussi sonner juste.

Comme il l’écrivait dans sa correspondance (notamment à Louise Colet) : « Ce n’est pas l’idée que je cherche, c’est le mot. » Cette exigence radicale de précision l’a souvent laissé bloqué pendant des semaines sur une seule page. On raconte même qu’il n’écrivait parfois qu’une phrase par jour durant la rédaction de Madame Bovary.

Un labeur solitaire motivé par la peur du cliché

L’exigence de Flaubert ne relevait pas simplement du perfectionnisme. Elle s’appuyait sur une véritable morale littéraire. Il méprisait les facilités, les redites, les clichés. Il considérait que le plus grand crime d’un écrivain était le lieu commun : ce mot usé mille fois dans des discours paresseux qui n’apportent rien de neuf au monde. Trouver le « mot juste » devenait alors une manière de refuser la banalité et l’à-peu-près.

S’il se levait à midi et écrivait jusqu’au soir, c’était pour creuser dans la langue française à la recherche du mot parfait, celui qui rendait la pensée limpide et irréfutable. Une obsession qui trouvera des échos dans les pratiques d’auteurs postérieurs comme Paul Valéry ou même Samuel Beckett.

Dans cette quête opiniâtre, Flaubert rejoignait aussi d’autres figures littéraires pour qui l’écriture relevait d’un rituel, voire d’un combat quotidien. Il n’est d’ailleurs pas le seul auteur à avoir développé des habitudes étranges pour écrire. À ce sujet, vous pouvez lire cette superstitieuse habitude de Tolstoï avec ses manuscrits ou découvrir comment Mary Shelley écrivait ses romans à la lueur d’une vieille lanterne.

L’importance de la musique intérieure du texte

Flaubert considérait la phrase comme un organisme vivant. Pour qu’elle fonctionne, chaque mot devait être exactement à sa place, tant pour le sens que pour le rythme. Il pensait le texte comme un poème, même quand il écrivait en prose. C’est dans ce sens que son style est souvent qualifié de « musical ».

Au « gueuloir », il déclamait donc ses phrases jusqu’à ce qu’elles coulent de manière fluide, harmonieuse et unique. L’impact sonore du texte faisait partie intégrante de son acceptabilité. Si une allitération heurtait, si une cadence semblait bancale, il réécrivait.

Certains écrivains d’aujourd’hui procèdent encore de cette manière. Par exemple, l’autrice américaine Toni Morrison relisait aussi ses textes à haute voix afin d’obtenir une musicalité parfaite, conférant ainsi à sa prose une dimension presque orale.

Cette approche trouve un écho dans les pratiques de Paul Éluard, dont le poème secret qu’il portait toujours sur lui témoigne d’une même quête intime de justesse et de beauté.

Des correspondances révélatrices avec Louise Colet

On doit une part importante de notre connaissance de la méthode de Flaubert à sa correspondance, notamment avec sa maîtresse et confidente Louise Colet. Ces lettres sont un vivier exceptionnel de réflexions sur la littérature, le style et le métier d’écrivain.

Dans une lettre du 16 janvier 1852, il écrit : « Ce qui me paraît beau, ce que je voudrais faire, c’est un livre sur rien, [...] un livre tenu ensemble par la force interne du style, comme la terre sans être soutenue est tenue en l’air — un livre qui n’aurait presque pas de sujet ou du moins où le sujet serait presque invisible. »

Le style, pour Flaubert, devait tout porter. Et si cela signifiait passer une semaine sur une phrase, il en acceptait le prix. Ceci éclaire pourquoi ses romans renferment une densité stylistique rare, une précision qui laisse peu de place au relâchement.

Le mot juste : une exigence toujours vivante dans l’écriture

Chercher le mot juste, à la manière de Flaubert, n’est pas une lubie d’un autre siècle. C’est une exigence qui continue d’habiter de nombreux auteurs, rédacteurs, traducteurs, et même lecteurs attentifs. Elle nous rappelle qu’un texte fort, évocateur, habité, ne surgit pas par hasard. Il résulte d’un effort acharné pour accoucher de la pensée la plus nette et la plus belle possible.

Dans le contexte moderne, où tout va vite et où l’on publie souvent sans relecture, cette philosophie de l’attention maximale est une source d’inspiration. Elle peut même guider nos propres pratiques d’écriture — que ce soit dans un journal intime, un post Instagram, ou une lettre écrite à la main, comme celles que Flaubert adressait à ses proches.

La quête du mot juste est aussi un acte de respect envers celui ou celle qui lit. Cela résonne avec la démarche de MUSE BOOK CLUB, qui valorise l’amour des mots à travers des objets pensés pour les lectrices. Si vous avez aimé découvrir les habitudes de Flaubert, vous aimerez sans doute aussi pourquoi Oscar Wilde refusait de porter deux fois la même tenue en public ou encore cet objet fétiche que J.K. Rowling gardait toujours près d’elle.

Chaque écrivain a ses manies, ses rituels, ses obsessions. Mais rares sont ceux dont la quête du mot juste a été aussi radicale et fondatrice que chez Flaubert. Une démarche qui, malgré son étrangeté, continue de fasciner — et d’inspirer.

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