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Les heures rouges, entre roman introspectif et film engagé

Entre roman de l’intime et adaptation audacieuse, Les Heures Rouges (titre original : Red Clocks) de Leni Zumas s'impose comme une œuvre essentielle pour toutes les femmes qui aiment la littérature engagée, la réflexion féministe et les récits à plusieurs voix. Publié en 2018 et traduit en français chez Presses de la Cité, ce roman explore les conséquences d'une législation fictive, mais terriblement plausible, sur le corps des femmes. En parallèle, son adaptation en film, bien que récente et encore relativement discrète, mérite une attention particulière pour sa transposition courageuse à l'écran. L’approche de Zumas, qui flirte avec la dystopie mais reste profondément ancrée dans le réel, tisse un parallèle fort avec d’autres œuvres marquantes, comme La Servante écarlate.

Un roman dystopique mais ancré dans le réel

Leni Zumas situe son roman dans un futur proche où une nouvelle législation américaine annule le droit à l’avortement, interdit la fécondation in vitro et prévoit l'adoption uniquement par des couples mariés hétérosexuels. Ce postulat de départ alimente une réalité parallèle glaçante de réalisme, car les différentes lois évoquées dans Les Heures Rouges sont proches de certaines tentatives réelles de réforme aux États-Unis, notamment celles observées dans certaines juridictions après l’annulation de Roe v. Wade par la Cour suprême.

Le roman suit les histoires entrecroisées de quatre femmes : la Biographe, diplômée d’histoire frustrée par sa vie professionnelle et son désir d’enfant non satisfait ; la Sorcière, une guérisseuse solitaire vivant en marge de la société ; la Fille, adolescente enceinte confrontée au choix ou à l’absence de choix ; et la Mère, qui lutte pour garder une place dans sa famille recomposée. Ce chœur féminin compose un portrait polyphonique de ce que représente le féminin dans un monde de plus en plus normatif. Cette structure narrative, qui rappelle certaines œuvres littéraires intimistes comme L’élégance du hérisson, donne au roman un rythme fluide mais intense, au croisement du manifeste politique et du journal intime.

Les Heures Rouges : un féminisme décomplexé

Si Margaret Atwood a souvent été citée comme une référence majeure en matière de littérature dystopique féministe, Leni Zumas s’inscrit dans un courant plus contemporain et, peut-être, plus pragmatique. Là où La Servante écarlate dépeint un avenir dictatorial, Les Heures Rouges part d’un point d’ancrage tangible dans notre société actuelle. Le féminisme de Zumas est incarné et accessible. Il se manifeste dans les microchoix du quotidien de ses personnages, dans la gestion de leur désir, de leur maternité, de leur solitude, et de leur résistance passive ou frontale.

Il ne s’agit pas ici de symboles forts ou de dystopie épique, mais de grisailles quotidiennes ; celles qui fatiguent, qui blessent, et qui, à force d'accumulation, dressent le portrait d’une société qui régresse. Ce féminisme incarné résonnera avec toutes celles qui apprécient la nuance, la complexité des rôles et l’absence de réponses faciles. Pour une autre lecture dans cette veine nuancée, on peut penser à certaines adaptations de Jane Austen où la voix féminine, bien que douce, est d'une force tranquille et constante.

Une adaptation cinématographique discrète mais percutante

Adaptée pour le cinéma par la réalisatrice indépendante Eliza Hittman (connue pour Never Rarely Sometimes Always), Red Clocks a fait l’objet d’une sortie limitée en salles d’art et essai. La cinéaste a dû relever le défi de transposer une narration multiple sans tomber dans la surcharge ou la confusion. Grâce à un jeu subtil de mise en scène et de choix esthétiques minimalistes, le film parvient à préserver l’intériorité des héroïnes tout en gardant un message politique limpide.

Au cinéma comme dans le roman, il ne s’agit pas de faire spectacle, mais de mettre en lumière les petits gestes de résistance, les pensées inavouées, les renoncements douloureux. La photographie sobre et parfois volontairement froide installe une ambiance de déjà-vu, de société non future mais menaçante. Ce choix rappelle le traitement visuel de l’adaptation de La Route de Cormac McCarthy – où le réalisme cru accentue le désespoir latent.

Résonances contemporaines et actualité politique

La lecture ou le visionnage des Heures Rouges aujourd’hui prend une dimension singulière alors que les droits reproductifs sont remis en question dans plusieurs pays, y compris dans certaines régions des États-Unis, du Brésil ou d’Europe de l'Est. Cette coïncidence entre la fiction et l’actualité rend l’œuvre encore plus urgente.

Dans une époque où les femmes doivent souvent encore se battre pour préserver l’acquis, Zumas nous invite à une introspection moins spectaculaire mais plus intime et continue. Il ne s'agit pas seulement de défendre des droits, mais de se souvenir de ce qu'implique leur perte, non pas pour une catégorie de femmes, mais pour toutes, et à tous les âges de la vie.

Pourquoi lire (et voir) Les Heures Rouges aujourd’hui ?

Parce que c’est un roman visionnaire mais pas prophétique ; parce qu’il parle avec pudeur de difficultés bien réelles ; parce qu’il donne la parole à des femmes qui ne sont ni héroïnes ni victimes, seulement vivantes. L’écriture de Zumas est limpide, souvent poétique, toujours efficace. Elle donne chair à des existences contrariées sans lourdeur ni didactisme.

Que vous soyez lectrice assidue de romans introspectifs, de fictions engagées ou d’essais féministes, Les Heures Rouges pourrait bien se révéler comme une lecture pivot. Et si vous êtes une amatrice d’adaptations cinématographiques de qualité, avec un goût pour les récits conjuguant l’intime et le politique, il serait dommage de passer à côté de cette version filmée – discrète mais puissante.

Enfin, pour celles qui aiment comparer les œuvres littéraires à leurs transpositions visuelles, nous vous recommandons notre article sur Mémoires d'une geisha, afin de poursuivre l'exploration du passage de la page à l'écran.

En somme, Les Heures Rouges se lit comme un écho contemporain et pluriel à un débat brûlant d’actualité. Un roman dont chaque lectrice peut ressortir changée, troublée, mais surtout éveillée. Et un film qui, sans fracas, laisse une empreinte durable.

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