À travers les siècles, la littérature anglaise a su capturer les tourments de l’âme et les élans du cœur. Parmi les périodes les plus emblématiques, le romantisme occupe une place de choix, et les figures de Jane Austen et Emily Brontë en incarnent deux visages profondément contrastés, mais tout aussi puissants. Le romantisme anglais n'est pas qu'une époque littéraire ; c'est une invitation à explorer les émotions humaines dans ce qu'elles ont de plus noble et de plus douloureux.
Jane Austen : le réalisme romantique au féminin
Jane Austen (1775–1817) est souvent perçue comme une romancière romantique, mais dans un sens plus nuancé que celui des grandes passions dévastatrices. Elle écrit au tournant du XVIIIe et XIXe siècle, une période de transition dans laquelle les émotions commencent à jouer un rôle central dans la littérature, sans pour autant évacuer l’analyse sociale et psychologique.
Dans Orgueil et Préjugés (1813), Austen donne la parole à Elizabeth Bennet, jeune femme vive et indépendante, qui doit naviguer dans une société où le mariage est souvent plus un contrat social qu’un choix du cœur. Dans cette œuvre, le romantisme se manifeste non pas à travers des envolées lyriques, mais dans les détails du quotidien : conversations élégantes, silences lourds de sens, gestes retenus. La force de l’amour y naît lentement, à mesure que les malentendus sont dissipés et que le respect mutuel remplace les premières impressions erronées.
Austen questionne les normes sociales de son temps. Ses héroïnes ne se contentent pas de tomber amoureuses : elles choisissent, réfléchissent, doutent. Cette dimension réaliste apporte une profondeur au romantisme austénien, le rendant accessible mais jamais naïf, passionné mais toujours lucide.
Le succès d'Austen dépasse les frontières de son époque. Aujourd'hui encore, de nombreuses lectrices se reconnaissent dans ses personnages et leurs luttes. Son influence se retrouve dans la littérature contemporaine, et même dans le registre de la littérature urbaine, qui explore également les tensions entre conventions sociales et désirs individuels.
Emily Brontë : l’excès des passions et le romantisme sauvage
Là où Austen peint l’amour avec précision et subtilité, Emily Brontë (1818–1848) prend le parti de l’intensité et du tumulte. Son unique roman, Les Hauts de Hurlevent (1847), est une œuvre à part dans la tradition romantique anglaise. Bien loin des salons anglais et des danses cérémonieuses, Brontë place son récit dans une lande sauvage et âpre, où les émotions ne sont ni contenues ni domestiquées.
Heathcliff et Catherine Earnshaw ne vivent pas une romance sereine : c’est un amour dévastateur, parfois cruel, fait de perte, de vengeance et de souffrance. Dans ce roman, les élans du cœur ne sont pas adoucis par la raison ; ils sont incontrôlables, presque inhumains. Emily Brontë donne une voix à des sentiments extrêmes, dans une langue poétique où la nature devient le miroir de l’âme.
Les Hauts de Hurlevent interroge aussi la frontière entre amour et obsession. C’est une œuvre fascinante, dérangeante pour certains, libératrice pour d’autres. Le romantisme y prend une dimension presque gothique, où la mort n’efface pas les passions humaines mais les prolonge sur un autre plan.
Loin d’être incompatible avec la sensibilité moderne, cette intensité fascine encore aujourd’hui. Nombreux sont les lecteurs qui, après avoir exploré le monde de Jane Austen, se tournent vers Brontë pour expérimenter la face sombre du romantisme. Ce va-et-vient entre réalisme et excès rappelle que la littérature, comme les émotions, ne peut être enfermée dans une seule définition.
Deux visions du romantisme : cœur raisonnable ou cœur sauvage ?
Comparer Jane Austen et Emily Brontë permet de mieux comprendre la richesse du romantisme anglais. Là où Austen voit l’amour comme un chemin vers la connaissance de soi et de l’autre, Brontë le vit comme une tempête qui emporte tout. Elles partagent pourtant un même courage : celui de donner la parole aux désirs féminins dans une société patriarcale.
Leur œuvre contraste aussi par leur construction narrative. Austen utilise une narration omnisciente ou focalisée, propice à l’analyse et à la distance. Brontë adopte un récit enchâssé, presque labyrinthique, où les voix se superposent, brouillant les repères du lecteur. Ce choix stylistique renforce le trouble émotionnel provoqué par Les Hauts de Hurlevent.
Ainsi, le romantisme anglais ne se résume pas à une seule forme d’amour. Il explore ses degrés, ses masques, ses chemins tortueux. Il nous invite à réfléchir à nos propres façons d’aimer : sommes-nous d’un tempérament austénien, en quête d'harmonie, ou brontëen, en quête d’absolu ?
Les échos contemporains du romantisme anglais
Le romantisme anglais, qu’il s’incarne dans une retenue élégante ou dans une ardeur déchirante, continue d’influencer les écritures actuelles. On le retrouve aussi bien dans des romans contemporains que dans les utopies littéraires ou les univers dystopiques modernes, où l’amour devient souvent l’ultime forme de résistance.
Le succès actuel des adaptations cinématographiques et sérielles de romans d’Austen et Brontë démontre la persistance de cette influence. Il suffit de penser à Orgueil et Préjugés (2005) avec Keira Knightley ou à la série Les Hauts de Hurlevent diffusée par la BBC. Ces œuvres continuent de toucher un public féminin en quête d'authenticité émotionnelle et de profondeur psychologique.
Mais le romantisme s’incarne aussi dans la façon dont nous choisissons les objets qui nous entourent. Chez Muse Book Club, nous croyons que les vêtements et accessoires peuvent eux aussi raconter une histoire. Oser porter un pull brodé d’une citation d’Emily Brontë, ou une robe inspirée de la silhouette des héroïnes de Jane Austen, c'est affirmer une sensibilité littéraire, une manière d’habiter le monde avec poésie.
Le romantisme est peut-être ce qui nous rappelle que le cœur, loin d’être un obstacle à la raison, peut en être le prolongement—lorsqu’on lui donne une voix juste.
Conclusion : lire Austen et Brontë aujourd’hui
Lire Jane Austen et Emily Brontë aujourd’hui, c’est renouer avec des formes d’écritures féminines puissantes, complexes et profondément humaines. C’est aussi accepter que l’amour ne se résume pas à un seul schéma, qu’il peut prendre des formes diverses—raisonnée ou sauvage, épanouissante ou destructrice—mais toujours signifiante.
Dans un monde saturé de messages instantanés et d’amours numériques, relire Orgueil et Préjugés ou Les Hauts de Hurlevent est un acte de ralentissement, une suspension du temps pour mieux écouter ce que le cœur a à dire.
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