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Le livre et le film Les Souvenirs de Marnie : deux versions d'une même émotion ?

Œuvre singulière entre conte intimiste et drame fantastique, Les Souvenirs de Marnie a traversé les décennies sous deux formes marquantes : le roman éponyme de Joan G. Robinson, publié en 1967, et son adaptation cinématographique par le studio Ghibli en 2014. L’une enracinée dans la campagne anglaise du Norfolk, l’autre transposée dans le Japon rural, toutes deux racontent l’histoire d’Anna et de sa mystérieuse amitié avec une jeune fille prénommée Marnie. Mais au-delà des différences de lieu, de style ou de support, que reste-t-il de l’essence émotionnelle du récit ? Le livre et le film proposent-ils deux versions d’une même émotion ?

Le roman Les Souvenirs de Marnie : un récit introspectif sur la solitude et la mémoire

Publié à la fin des années 60, When Marnie Was There est l’une des œuvres les plus significatives de la littérature jeunesse britannique. Joan G. Robinson y explore avec douceur et justesse la psychologie d’une enfant en marge, Anna, placée en famille d’accueil et profondément repliée sur elle-même. Le roman suit son séjour dans le Norfolk, où une étrange demeure près d’un marais devient le théâtre de ses rencontres avec Marnie. Leur amitié intense et mystérieuse permet, au fil des pages, de révéler à Anna des pans oubliés de son histoire personnelle.

Ce que le roman défend avec subtilité, c’est l’idée que le passé habite les lieux et les êtres, et que la mémoire, loin d’être figée, est parfois le seul lien qui nous réconcilie avec notre identité. La narration à la première personne colle parfaitement avec l’intériorité d’Anna, et fait de Les Souvenirs de Marnie une œuvre tout en non-dits, en sensations, en intuitions, qui séduira les lectrices sensibles à la dimension intime de la psychologie enfantine.

Le film Ghibli Les Souvenirs de Marnie : une adaptation respectueuse qui change les contours

Sorti en 2014, le film réalisé par Hiromasa Yonebayashi sous la direction artistique du studio Ghibli est la dernière production du studio avant la première (retraite avortée) de Hayao Miyazaki. Malgré le changement d’environnement — l’action est déplacée du Norfolk aux paysages marécageux de Hokkaido — le film reste très fidèle à l’esprit du roman.

La grande réussite du film repose sur sa capacité à traduire visuellement la subtilité des émotions du livre. Le style Ghibli, célèbre pour sa sensibilité poétique, convient à merveille à cette histoire de solitude, d’attachement mystique et d’introspection. Les paysages, baignés d’une lumière douce et d’une nature foisonnante, prolongent silencieusement l’émotion des dialogues. Les silences de l’héroïne, Anna, sont travaillés avec soin : son mutisme, ses colères rentrées, ses déambulations, traduisent cette même quête d'appartenance qui fait vibrer le roman de Robinson.

Le changement de géographie n’est donc pas un affaiblissement du propos, mais au contraire une manière efficace de localiser l’universalité des émotions en jeu. Comme l'analyse le blog dans l'article sur l'adaptation de Room, l'essentiel dans une adaptation n’est pas la fidélité littérale, mais le transfert fidèle de l’intention émotionnelle d'origine.

Deux héroïnes, un même besoin de lien

Que ce soit dans le roman ou dans le film, Anna reste un personnage-clé profondément attachant. Solitaire, en conflit avec elle-même, elle porte la douleur d’un rejet originel — celui d’avoir grandi sans parents aimants. La fiction de son lien avec Marnie lui permet peu à peu de renouer avec un sentiment d’attachement. Pourtant, là où le roman déploie sa psychologie par une narration interne, le film prend le parti du non-dit et du geste suggéré.

Cette différence peut évoquer d'autres exemples d’adaptations littéraires comme le film Le Parfum, qui s'efforce aussi de traduire au cinéma une expérience avant tout sensorielle et intérieure. Le défi est le même : comment mettre à l’image un trouble psychologique, une angoisse muette, une soif d’amour profond ?

Dans Les Souvenirs de Marnie, c’est le lien entre Anna et Marnie, leur complicité effleurée à mi-chemin entre la réalité et le rêve, qui cristallise cet enjeu. Les deux versions répondent différemment à cette question, mais aboutissent — l’une par la parole, l’autre par l’image — à une résolution similaire : la réconciliation d’Anna avec ses blessures d’enfance.

Adaptation fidèle ou réinvention poétique ?

Bien que relativement fidèle narrativement, l’adaptation de Ghibli prend des libertés formelles qui amplifient une mélancolie propre à la culture japonaise. La structure du film épouse les codes du fantastique classique dans le style de Miyazaki ou Takahata : lieux inhabités, temporalité troublée, figures mystérieuses, tout cela résonne dans une esthétique délicate.

Alors que la fin du roman est d’une sobriété calme, presque clinique dans sa révélation finale, le film mise sur une intensité émotionnelle plus marquée. Le spectateur est invité à ressentir la catharsis dans un crescendo musical et narratif, avec parfois un soupçon de pathos. Cette tonalité plus lyrique n'enlève rien à la profondeur du propos, mais elle colore différemment le souvenir que le spectateur ou la lectrice conservera de l'œuvre.

Le même phénomène se retrouve dans d'autres adaptations qui déploient leur propre langage visuel, comme dans le film Entretien avec un vampire, qui sublime la prose d’Anne Rice sous les traits dramatiques de Neil Jordan. Dans les deux cas, c’est le style — écrit ou visuel — qui guide la profondeur émotionnelle.

Conclusion : Deux formes, une même émotion ?

Le roman de Joan G. Robinson et le film du Studio Ghibli sont deux œuvres cousines, unies par la même colonne vertébrale émotionnelle : la solitude affective, la recherche d’un lien invisible mais vital, et la guérison intérieure. Là où le livre se fait intime, discret, presque psychanalytique, le film s’ouvre à un imaginaire plus vaste, plus universel mais tout aussi touchant.

Choisir entre l’un ou l’autre est inutile : c’est dans la double lecture que naît toute la richesse de Les Souvenirs de Marnie. Lire, puis regarder, permet de vivre à la fois l’introspection et l’envoûtement, la réflexion et l’émotion visuelle. Comme l’affirme le blog dans cet article sur Shantaram, une adaptation réussie est celle qui reste fidèle à l’émotion source, même si elle en modifie les contours.

Et pour les lectrices sensibles aux livres à l’atmosphère douce, mélancolique et profondément poétique, Les Souvenirs de Marnie est une œuvre à découvrir sous toutes ses formes. Parfois, une même émotion a besoin de plusieurs voix pour se faire entendre.

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