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Le fauteuil d'écriture en velours de Patricia Highsmith : un lieu de transformation

Patricia Highsmith, auteure emblématique du roman noir et psychologique, a toujours cultivé une relation singulière à l'espace, au silence, et aux objets qui l'entouraient. Si son œuvre est profondément marquée par les ambivalences humaines, elle l'est aussi, discrètement mais sûrement, par les lieux dans lesquels elle écrivait. À commencer par un fauteuil en velours, installé dans un recoin presque invisible de son appartement. Ce meuble, loin d’être un simple élément de décor, incarnait pour Highsmith un véritable lieu de transformation intérieure.

Un objet du quotidien devenu rituel

Dans les années 1950, Patricia Highsmith s'installe à Positano, puis à Paris et enfin à Aurigeno, en Suisse. À chaque étape, elle conserve quelques objets clefs qui l'aidaient à écrire, dont ce fameux fauteuil en velours. Dans plusieurs interviews relayées notamment par sa biographe Joan Schenkar dans The Talented Miss Highsmith, ce siège apparaissait comme un refuge propice à la profusion narrative.

Le fauteuil était bas, d’un vert profond, usé sur les accoudoirs. C’était un point fixe au milieu d’un environnement souvent changeant. Highsmith écrivait à la main, sur des carnets bon marché, souvent posés sur ses genoux, ses jambes croisées dans une position presque méditative. Ce n’était pas un bureau qui centralisait son processus créatif, mais bien ce fauteuil, où elle entrelaçait les méandres psychologiques de ses personnages les plus complexes.

Le pouvoir transformateur du confort

Pourquoi un fauteuil en velours plutôt qu’un bureau classique ? Pour Highsmith, le confort n’était pas un caprice, mais un outil de mise en condition. Le velours évoque à la fois la douceur et l’introspection, deux états clés dans son écriture. S’installer dans ce fauteuil, c’était comme endosser un costume invisible qui la transportait hors du monde palpable. L’atmosphère familière, quasi-claustrophobique, encourageait l’émergence de pensées interdites, la confrontation aux zones d’ombre de l’âme humaine. Le fauteuil devenait une scène secrète pour traiter les crimes, les culpabilités, les doubles-jeux avec l’objectivité glaçante qui faisait sa force.

Ce n’est pas un hasard si d'autres écrivaines ont également construit leur imaginaire à partir d’un environnement physique fort, tel que Toni Morrison et son plaid fétiche ou encore Karen Blixen et ses robes d’aventure.

Un mobilier féminin et réflexif

Dans une époque où l’on associait souvent la création littéraire à la virilité du bureau de bois massif, le choix de Highsmith pour ce siège moelleux en velours résonne comme un contre-modèle : elle écrivait dans un espace qui autorisait la fragilité, l’errance intérieure, l’indécision. C’est dans cet entre-deux, à la lisière des normes, que naissent les personnages ambigus de Tom Ripley ou de Therese Belivet.

Le fauteuil matérialisait aussi un retrait volontaire du monde. Highsmith évitait les mondanités, fuyait les interviews autant que possible, préférant s’immerger dans des routines silencieuses. Dans cet isolement, ce fauteuil devenait presque un partenaire, une “présence” familière contre laquelle elle pouvait s’adosser tout en atteignant une forme de lucidité féroce.

Écrire, c’est aussi s’effacer dans l’objet

Le rapport de Highsmith aux objets n’était pas décoratif, il était existentiel. À l’image d’Elizabeth Bishop et sa machine à écrire dorée, chaque meuble, chaque accessoire faisait partie d’un rituel de concentration. Le fauteuil était là pour absorber ses tensions, accueillir ses doutes, soutenir la lente élaboration des intrigues sinueuses qui caractérisent ses récits. Il offrait une surface douce et stable sur laquelle ses pensées pouvaient dériver sans heurts.

Highsmith ne s'est jamais considérée comme une figure publique, ni même comme une écrivaine de glamour. Elle écrivait dans des vêtements amples, souvent en pyjama, en buvant du café noir et en mangeant du cheddar, parfois quelques pickles, sans jamais interrompre une session d’écriture — étrangement proche des habitudes de Alice Munro et ses rituels discrets.

Un symbole du processus littéraire invisible

Ainsi, le fauteuil en velours de Patricia Highsmith est beaucoup plus qu’un élément de son salon : il incarne ce que la critique littéraire appelle la “géographie de l’écriture”. Les grands romans naissent souvent dans les recoins ordinaires du quotidien, traversés par une concentration intense. Le fauteuil permettait ce basculement : de la pièce au monde intérieur, de la scène domestique à la page tendue d’intrigue.

Pour les lectrices, c’est également une invitation à reconsidérer leur propre rapport à la lecture et, potentiellement, à la création. Quel est votre fauteuil à vous ? Celui dans lequel vous lisez, rêvez, commencez peut-être à écrire ? Chez MUSE BOOK CLUB, nous croyons à l’importance de ces objets intermédiaires, ces talismans confortables, à la croisée de l’élégance et de la puissance narrative.

Ce que nous lègue Patricia Highsmith

Plus qu’une œuvre, Patricia Highsmith nous laisse une méthode : celle de l’isolement choisi, du confort minimal, du mobilier habité. Son fauteuil en velours n’était pas luxe, mais nécessité. Il montre que chaque écrivaine peut — doit même — construire un espace mental incarné par un lieu physique. Dans ce lieu, l’écriture devient un geste entièrement vivant, même dans les nuits les plus sombres de l’âme.

Ainsi, dans une époque où la vitesse et la performance dictent trop souvent nos environnements de travail, le souvenir de ce fauteuil résiste comme une alternative douce et mystérieuse. Une manière, peut-être, de nous rappeler que la lenteur, le confort et l’ombre sont des terrains fertiles pour celles qui ont quelque chose à dire.

Et parfois, toute la différence commence par un fauteuil.

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