Il existe des objets qui semblent anodins mais qui, dans le monde de la littérature, deviennent des symboles puissants. Pour certaines autrices, les objets qui les entourent n’étaient pas de simples accessoires, mais des ancrages dans la réalité, des porte-bonheurs discrets ou des sources d'inspiration. La broche en forme de rose que portait fréquemment Susan Sontag relève de cette catégorie. Elle incarne bien plus qu’un détail esthétique : elle est un manifeste silencieux. Dans les cercles littéraires et intellectuels qu'elle fréquentait, cette broche était sa signature visuelle. Elle nous invite aujourd'hui à réfléchir à la manière dont les objets personnels deviennent des catalyseurs de création.
Susan Sontag : l'intellectuelle derrière le style
Susan Sontag, autrice, essayiste, cinéaste et critique culturelle, est l’une des figures majeures du XXe siècle littéraire et intellectuel. Née en 1933 et disparue en 2004, elle a laissé une œuvre dense et réflexive, ancrée dans les grands débats moraux, culturels et esthétiques de son temps. Connue pour son érudition aussi bien que pour son élégance, Sontag ne dissociait pas son apparence de son projet intellectuel. Sa manière de se présenter au monde révélait une cohérence entre la pensée et l’image.
La fameuse broche en forme de rose se remarquent sur de nombreuses photographies d’elle. Elle choisissait souvent des vêtements noirs, sobres, mettant en valeur ce seul ornement. Cette broche n'était ni ostentatoire ni décorative au sens classique. Elle était symbolique, presque comme une ponctuation visuelle dans son univers intellectuel très contrôlé.
La broche comme talisman créatif
Dans la tradition littéraire, beaucoup d’autrices et auteurs ont confié s’attacher à des objets amenant avec eux une énergie ou une mémoire propice à l’écriture. On pense à Alice Munro et ses talismans mystérieux, ou encore à Toni Morrison et son plaid fait main.
La broche de Sontag agit selon un principe similaire. Discrète et constante, cette rose pouvait symboliser l’acte radical de beauté intellectuelle. Une rose, dans sa complexité — à la fois vulnérable et armée de ses épines — est un emblème tout à fait juste du genre d’esprit qu'était Sontag : délicate sans être docile, poétique mais tranchante. Elle écrivait avec une intensité presque physique, et cet objet pouvait être le catalyseur quotidien reliant la tension esthétique à la rigueur de la pensée.
Un silence signifiant : le langage de l'apparence
Susan Sontag s’exprimait autant par ses mots que par son image. Dans son essai « Notes on "Camp" » (1964), elle explore la signification culturelle du style comme argument esthétique en soi. La broche, dans cette optique, devient une micro-affirmation, presque une note de bas de page corporelle qui accompagne ce qu’elle énonçait verbalement.
Elle ne parlait pas publiquement de cette broche, ne lui donnait ni justification ni histoire. C’est justement dans ce silence que se trouve sa force : la beauté non expliquée, donc invulnerable à l’analyse. Elle nous donne ici une leçon précieuse sur l’écriture : tout ce qui compte n’a pas besoin d’être verbal, tout ce qui nous soutient au moment de créer peut rester secret.
Créer un rituel personnel à l'image de Sontag
Les lectrices sensibles à l’univers de Sontag peuvent trouver dans cette broche une invitation à forger leur propre rituel créatif. Ce rituel peut passer par un objet favori que l’on porte pour écrire, un endroit spécifique, ou une tenue qui signale symboliquement à notre cerveau que le moment de création commence.
Dans cette logique, il n’est pas rare que les grandes autrices se créent un espace composé de signaux visuels ou tactiles : Patricia Highsmith avait son fauteuil d’écriture en velours, Elizabeth Bishop emportait toujours avec elle sa machine à écrire dorée. Sontag, elle, portait une rose sur la poitrine. Ces gestes simples deviennent des ancrages puissants.
Pourquoi la broche résonne encore aujourd'hui auprès des lectrices
Dans un monde où l’image circule à une vitesse inédite, les objets revêtent une puissance nouvelle. Porter une broche en forme de rose peut aujourd’hui exprimer une filiation intellectuelle ou un état d’esprit créatif sans avoir à le verbaliser. Nombreuses sont les lectrices qui, à travers leurs choix vestimentaires, cherchent à aligner leur esthétique avec leur sensibilité littéraire.
Cette convergence entre tenue personnelle et identité de lecture fait écho à la mission que nous portons chez Muse Book Club : concevoir des pièces qui permettent aux femmes de s’exprimer par leur amour de la littérature. À la manière de cette broche subtile de Susan Sontag, nos créations sont pensées comme des extensions de l'identité intellectuelle, émotionnelle et sensible de chaque lectrice.
La beauté sans explication : une morale de création
En refusant d’expliquer sa broche, Sontag nous a transmis un message précieux : tout n’a pas besoin d’être justifié par le langage. L'acte d’écrire et de penser peut s'accompagner d'objets qui nous nourrissent silencieusement. Ces objets ne sont pas les sources uniques de la création, mais ils peuvent en être les gardiens. Ils nous protègent, nous rappellent qui nous sommes, et dans les périodes de sécheresse créative, ils deviennent parfois les seules portes d’entrée encore entre-ouvertes.
Alors, que vous écriviez, que vous lisiez ou que vous contempliez simplement ce que serait une vie unie à la littérature, souvenez-vous que parfois, une broche suffit à maintenir ce lien invisible entre vous et votre feu créatif.
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