Ce site Web a des limites de navigation. Il est recommandé d'utiliser un navigateur comme Edge, Chrome, Safari ou Firefox.

L’agenda délicatement illustré que Djuna Barnes emportait partout avec elle

Il est des objets qui, bien au-delà de leur fonction première, deviennent les compagnons silencieux d’une vie. Pour l’écrivaine moderniste Djuna Barnes, célèbre pour son roman Nightwood et sa contribution avant-gardiste à la littérature américaine et européenne au début du XXe siècle, cet objet était un agenda — pas n’importe lequel : un carnet souple délicatement illustré, qu'elle trimballait partout avec elle, de Paris à New York, à travers les tumultes de la création et de la solitude.

Djuna Barnes : une écrivaine nomade en quête de constance

La vie de Djuna Barnes (1892-1982) fut marquée par une errance géographique et intérieure. Naviguant entre les grandes capitales artistiques de son époque, elle fréquentait les cercles modernistes les plus en vue, de la rue Jacob à Paris aux salons littéraires new-yorkais. En dépit de cette vie mobile, un objet fixe l’accompagnait souvent : un agenda illustré sur lequel elle couchait notes, souvenirs, dessins et réflexions spontanées.

En tant qu’objet du quotidien, cet agenda n’était pas banal : Barnes choisissait toujours des carnets souples, à la couverture souvent décorée de gravures ou de motifs floraux délicats. Bien avant que le bullet journal ou les planners design ne deviennent tendance, elle avait compris qu’un agenda pouvait procurer autant une discipline mentale qu’un plaisir esthétique.

Un agenda comme prolongement du geste d’écrire

Chez Barnes, l’écriture ne s’arrêtait pas à son bureau. Son agenda fonctionnait comme un laboratoire mobile. Elle y griffonnait des phrases, notait des expressions entendues dans les cafés, y collait parfois des coupons de théâtre ou des feuilles d’arbres ramassées au hasard d’une promenade.

Certains chercheurs ayant étudié son fonds personnel conservé à l’Université du Maryland ont relevé dans ses carnets des croquis précoces de personnages développés dans Nightwood, ou encore des citations extraites d’œuvres classiques et annotées à la main. C’est donc un objet d’immersion totale dans le processus créatif, qui détient ce pouvoir presque magique de réactiver l’inspiration par sa simple manipulation.

Cette approche tactile et visuelle de l'écriture n’est pas propre à Barnes. Patricia Highsmith, par exemple, transformait un fauteuil en lieu d’écriture vivant. De même, l’agenda de Barnes témoigne de la manière dont l’objet peut être acteur de la création littéraire et non simple support.

Les carnets illustrés dans la vie littéraire féminine

Il est émouvant de constater combien les écrivaines du XXe siècle ont accordé de l’attention à ces objets de papier. Elsa Triolet, par exemple, tenait également ses carnets avec une précision méticuleuse, souvent parés d’élégants accessoires qui soulignaient son raffinement. Ses fameux gants blancs en dentelle en sont d’ailleurs l’un des symboles.

L’agenda illustré de Barnes révélait aussi un attachement sensible au beau. Elle préférait en effet des carnets aux papiers ivoire, à l’impression fine. Des détails qui peuvent paraître accessoires, mais qui reproduisent l’idéal moderniste selon lequel la forme influence le fond. Ce souci du visuel, du palpable, se retrouve chez Susan Sontag et sa broche-rose — symbole de sa pulsion esthétique face à l’acte créatif.

Journal intime ou œuvre parallèle ?

Si l’on peut qualifier les agendas de Barnes de journaux intimes, ils dépassaient en vérité le cadre de la confession. Ils étaient une forme de « marginalia » portée à l’extrême : des pages où le texte côtoie le dessin, où la mise en page manuscrite épouse un certain chaos formel. On y lit un vers de Dante face à une recette gribouillée, une silhouette en robe de soirée tracée au crayon noir à côté d’un motif floral collé au hasard.

On comprend bien là que l’agenda n’est pas une fin en soi, mais l’écho d’un processus intellectuel permanent. Pour certaines écrivaines, il s’apparentait même à une pièce cachée de la maison mentale. Sigrid Undset, par exemple, gardait précieusement ses objets d’écriture dans une malle secrète, comme une gardienne du feu sacré.

Quel type d’agenda choisissait-elle ?

Il ne s’agissait pas d’un produit de luxe, mais d’un objet choisi avec soin. Dans les rares photographies de ses effets personnels, on distingue des carnets souples de la marque française Papier d’Armenie, ou des agendas de la maison allemande Leuchtturm (connue aujourd’hui pour ses carnets épais et lignés). Elle privilégiait les formats A6 ou A5, faciles à glisser dans un sac, mais assez grands pour accueillir textes et dessins.

Le papier devait permettre une écriture fluide à l’encre, souvent violette ou noire. Certains amis de Barnes racontaient qu’elle choisissait ses stylos-plume avec la même obsession que ses carnets. L’agenda devenait ainsi le théâtre d’un rituel quotidien : choisir une page, y poser une idée, y insérer un souvenir.

Pourquoi cela parle tant aux lectrices aujourd’hui ?

La pratique du carnet est aujourd’hui en plein renouveau, notamment chez les femmes qui lisent beaucoup. Que ce soit pour noter un passage marquant, faire le point sur ses lectures, ou suivre ses émotions liées à une œuvre, le carnet permet une immersion plus profonde dans l’expérience de lecture. Il devient un compagnon de pensée, tout comme il l’était pour Djuna Barnes.

De nombreuses marques comme Rifle Paper Co., Papier Tigre ou encore Moleskine proposent aujourd’hui des modèles alliant esthétique et praticité — dans la lignée, sans le savoir, du goût très personnel de Barnes. Et sur Instagram ou Pinterest, des communautés entières de lectrices partagent leurs journaux de lecture, leurs dessins inspirés de leurs livres coups de cœur.

Si vous êtes sensible aux objets qui racontent des histoires autant qu’ils en gardent, vous aimerez découvrir aussi la bibliothèque mobile de Doris Lessing — autre exemple d’un artefact de lecture devenu presque personnage à part entière.

En conclusion : un objet témoin du geste d’écrire

Plus qu’un simple agenda, le carnet de Djuna Barnes était un territoire. Il condensait dans ses pages le mouvement de la pensée, le désordre du monde, et l’effort patient de bâtir quelque chose avec des mots. Aujourd’hui encore, il inspire les lectrices modernes qui cherchent, elles aussi, un support discret mais fiable pour abriter leurs idées nomades, leurs intuitions fragiles, ou leurs souvenirs en formation. C’est peut-être là le secret des grands objets : ils nous accompagnent parce qu’ils nous comprennent.

MUSE BOOK CLUB : la marque des lectrices.

Explorez notre collection de vêtements et accessoires littéraires pour les amoureuse des livres.

DÉCOUVRIR LA MARQUE →

Panier

Plus de produits disponibles à l'achat

Votre panier est vide.