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Daphné du Maurier et son château secret au cœur de ses histoires

Daphné du Maurier, figure incontournable de la littérature anglaise du XXe siècle, est l'autrice derrière des classiques comme Rebecca, Jamaica Inn ou Les Oiseaux. Derrière l’atmosphère brumeuse et les intrigues psychologiques de ses œuvres se cache un lien profond avec un lieu bien réel : le château de Menabilly. Ce manoir, situé en Cornouailles, a été bien plus qu’un simple refuge pour elle ; il fut sa muse silencieuse, celle qui a imprégné ses romans d’un mystère sensoriel palpable. À travers ce portrait intime de Daphné du Maurier, nous explorons l'influence de ce château retiré sur son travail et sur l'imaginaire de ses personnages hantés.

Le manoir de Menabilly : entre réalité et fiction

À première vue, Menabilly n’apparaît dans aucune brochure touristique. Situé à quelques kilomètres de Fowey, ce manoir isolé au cœur des bois a pourtant profondément marqué l’histoire littéraire du XXe siècle. Daphné du Maurier découvre cette demeure abandonnée au fil d'une promenade alors qu’elle séjournait en Cornouailles dans les années 1920. Touchée par son atmosphère à la fois majestueuse et délabrée, elle développe une fixation presque mystique pour la maison. Ce lien singulier culminera en 1943, lorsqu’elle réussit à obtenir un bail de 20 ans pour Menabilly, qu’elle rénove et où elle s’installe définitivement.

Ce château ne lui appartient pas – c’est toujours le domaine des Rashleigh – mais Daphné en fera le sien. L’ensemble de son œuvre va alors s’imprégner des sensations qu’elle y expérimente : humidité marine, chemins ombragés par la mousse, et cette impression d’être toujours sur les traces d’un secret enfoui. Ce décor sera immortalisé dans Rebecca sous le nom de Manderley, probablement la demeure fictive la plus célèbre de la littérature anglaise.

Manderley : une transcription littéraire de Menabilly

Dans Rebecca (1938), la narratrice anonyme découvre Manderley, une majestueuse propriété en bord de mer, peuplée du souvenir pesant de la première épouse de son mari. Ce lieu fictif est le cœur émotionnel, voire obsessionnel, du roman. À travers les descriptions minutieuses des couloirs, des jardins, des miroitements de lumière entre les rideaux, le lecteur capte bien que Manderley n’est pas un simple décor, mais presque un personnage à part entière.

Cette force évocatrice vient directement de Menabilly. Daphné écrivait souvent dans une pièce orientée vers la mer, observant la lumière filtrer à travers les arbres. L’omniprésence de la nature sauvage et l’isolement nourrissent chez elle une ambivalence aiguë : solitude choisie ou enfermement subtil ? Cette tension structure ses récits. À ce sujet, l’analyse du lien entre paysage et écriture chez Marguerite Yourcenar permet également d’éclairer cette relation fusionnelle entre un lieu et l'inspiration littéraire (voir l'article).

Le choix de l’isolement féminin : un thème transversal

Daphné du Maurier n’était pas une mondaine. Profondément introvertie, elle trouve à Menabilly un espace où ses différentes identités peuvent cohabiter : l'épouse, la mère, l’écrivaine, et l’exploratrice de territoires psychiques troubles. Le château devient une manière concrète d’organiser son indépendance, loin des conventions londoniennes ou des attentes sociales imposées aux femmes de son époque.

Cette volonté de préserver un espace à soi n’est pas sans rappeler le procédé de déguisement utilisé par George Sand (Amantine Dupin) pour échapper à la censure et gagner une liberté d’action. L’idée d’un lieu-refuge — qu’il soit mental ou matériel — est donc un fil rouge chez les autrices iconoclastes. Du Maurier, tout en étant issue d’une famille bourgeoise d’artistes (son père était l’acteur et metteur en scène Gerald du Maurier), choisit de se retrancher dans l’épaisseur de ses terres pour écrire librement.

Un héritage littéraire ancré dans la pierre

Si Menabilly est devenu mythique, c’est aussi parce qu’il résiste au temps. Le domaine n’est pas accessible au public, ce qui ajoute à sa légende. Il reste aujourd’hui propriété privée de la famille Rashleigh, et cela renforce l’aura secrète de ce lieu qui n’a jamais cessé d’exister hors des circuits classiques. Il n’est pas étonnant que plusieurs biographes et spécialistes de l’œuvre de Daphné du Maurier soient allés jusqu’à cartographier les similitudes topographiques entre Menabilly et Manderley, révélant une explicite correspondance — mais surtout une communion sous-jacente.

Dans une logique comparable, Karen Blixen — mieux connue sous le nom d’Isak Dinesen — avait elle aussi son « sanctuaire narratif » sous forme d’un coffre où elle gardait ses possessions sacrées liées à l’écriture, une ritualisation feutrée de la création littéraire (en savoir plus ici).

Daphné du Maurier et l’esthétique de l’entre-deux

Ce qui fascine durablement dans l'œuvre de du Maurier, c’est sa capacité à raconter des zones grises. Ses héroïnes ne sont ni bonnes ni mauvaises ; elles cherchent. Ses demeures ne sont ni hospitalières ni menaçantes ; elles absorbent. Le château de Menabilly, dans sa beauté fanée, est emblématique de cette esthétique de l’entre-deux : entre vie et rêve, domestique et sauvage, féminin et spectral.

Il est tentant de rapprocher cette ambiguïté d’autres femmes de lettres qui ont travaillé à partir d'espaces intimes pour faire émerger une voix unique. Ainsi Carson McCullers écrivait dans sa robe de chambre, face à son miroir, créant ainsi une image à la fois déroutante et volontaire de la femme écrivain.

L’héritage pérenne de sa géographie intérieure

Aujourd’hui, même si la littérature de Daphné du Maurier est davantage lue dans les cercles universitaires ou chez les lectrices aficionados, son influence demeure vivace. Les adaptations cinématographiques, les rééditions élégantes de ses romans, et les biographies qui continuent de paraître participent à entretenir un culte discret autour de cette figure littéraire. Plus intéressante encore est la manière dont sa démarche résonne auprès de femmes qui écrivent, lisent, ou vivent la création artistique dans des recoins intimes préservés du bruit du monde.

Dans une époque où l’espace personnel est sans cesse envahi par les urgences numériques, l’exemple de Daphné du Maurier — et plus précisément sa fidélité au silence habité de Menabilly — agit comme une boussole précieuse. Pour toute lectrice ou autrice qui cherche un ancrage dans l'imaginaire, cette histoire est un appel à bâtir son propre château intérieur.

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