Des hauts plateaux andins aux rues vibrantes de Lima, la littérature péruvienne offre un univers riche en poésie, en mysticisme et en mémoire. Pour les lectrices en quête de textes puissants, sensibles et souvent engagés, cet article propose une immersion à travers dix œuvres poétiques — souvent inclassables — issues du Pérou. L’écriture andine révèle une multiplicité de voix : indigène, métissée, féminine, urbaine ou rurale. Voici une sélection éclairée pour découvrir autrement les Andes, entre poésie contemporaine, traditions orales et combats intimes.
1. José María Arguedas : une voix poétique entre deux mondes
José María Arguedas est surtout connu pour son œuvre romanesque, mais sa poésie mérite une attention toute particulière. Né en 1911, Arguedas a été élevé dans une communauté quechua, et il a ensuite consacré sa vie à unir les mondes andins et hispaniques à travers ses écrits. Son recueil Katatay (« Le frisson »), publié en 1972, fusionne la langue quechua et l’espagnol dans un dialogue poétique sans précédent. Dans ses poèmes, la cosmogonie andine, les douleurs de l’âme et l'exil identitaire se tissent dans une langue vibrante, viscérale.
2. Blanca Varela : une voix féminine essentielle
Blanca Varela (1926–2009) est considérée comme l'une des grandes poétesses de l’Amérique latine. Son langage, loin du folklore andin, explore la solitude, le corps féminin, l’angoisse existentielle. Elle a vécu à Paris, fréquenté Sartre, Simone de Beauvoir et Octavio Paz, et ses poèmes échappent à toute étiquette. Son recueil Ese puerto existe (« Ce port existe ») est une porte d'entrée idéale pour celles qui découvrent son œuvre. Poésie épurée, sombre et lucide : une lecture qui laisse une empreinte durable.
3. César Vallejo : la figure emblématique de la poésie péruvienne
Impossible de parler de poésie au Pérou sans évoquer César Vallejo. Né en 1892 à Santiago de Chuco, Vallejo est l’auteur de Los Heraldos Negros et de Trilce, deux recueils majeurs du XXe siècle hispanophone. Sa langue se brise, se réinvente et construit des images d’une intensité rare. Trilce, en particulier, est considéré comme un texte révolutionnaire, radical, inclassable. Vallejo reste un compagnon idéal pour celles qui n’ont pas peur d’être déroutées puis traversées par les mots.
4. Odi Gonzales : poésie en bilingue quechua-espagnol
Originaire de Cusco, Odi Gonzales est un universitaire et poète qui écrit dans les deux langues — espagnol et quechua. Dans Tunupa: El Libro de las Sirenas, il puise dans les traditions orales andines et les recompose sous forme de poèmes modernes. Cette passerelle entre les mythologies indigènes et les techniques contemporaines de la poésie permet de découvrir une autre façon « d’entendre » les Andes. C’est une lecture idéale pour celles qui s’intéressent aux récits mythologiques et au rapport sacré à la nature.
5. Washington Delgado : modernité et ancrage andin
Washington Delgado (1927–2003) a navigué entre des formes expérimentales modernes et un attachement profond aux thèmes sociaux. Son recueil
6. Carmen Ollé : une écriture féministe et poétique
Autrice de Noches de adrenalina, Carmen Ollé bouscule les codes dans une langue à la fois sensuelle et féroce. Ce recueil publié en 1981 est devenu un texte culte pour les mouvements féministes au Pérou. Sa poésie aborde la sexualité, la dépression, l’écriture comme acte de création (et de subversion). Ollé se situe à la croisée entre poésie, prose et manifeste intérieur. Une belle porte d’entrée pour celles qui veulent lire des autrices qui ne s’excusent pas.
7. Victoria Santa Cruz : la voix poétique afro-péruvienne
Victima de racisme dès l’enfance, Victoria Santa Cruz (1922–2014) a fait de sa poésie un lieu de résistance. Son poème performatif Me gritaron negra est devenu un classique de la littérature afro-latino-américaine. Il est souvent étudié dans les universités, mais il est aussi à lire (et à entendre) pour sa pression rythmique, son insoumission incarnée. C’est une poésie scandée, vivante, radicale — un choc salutaire pour toute lectrice curieuse de lire au-delà des canons européens.
8. Renata Flores : la jeune voix poétique de la chanson quechua
Bien qu’elle ne soit pas poète publiée au sens classique du terme, Renata Flores propose dans ses chansons une forme de poésie orale contemporaine en quechua. Jeune artiste originaire d’Ayacucho, elle revisite la musique pop anglo-saxonne en la traduisant dans cette langue ancestrale. Son engagement pour les droits des peuples autochtones et des femmes s’inscrit dans une nouvelle façon de faire vibrer la poésie dans le cœur de la jeunesse andine. À découvrir sur YouTube pour une lecture au-delà du papier.
9. José Watanabe : entre image et intériorité
D’origine japonaise par son père et péruvienne par sa mère, José Watanabe (1945–2007) a élaboré une poésie du silence, de l’image retenue, bien plus expressive qu’il n’y paraît. Dans
10. Poésie contemporaine : les nouvelles plumes féminines
Enfin, la poésie contemporaine péruvienne compte aussi sur des voix actuelles comme Roxana Crisólogo, Victoria Guerrero ou Rossella Di Paolo. Ces autrices cultivent une écriture intime, située, traversée par les combats féministes, écologistes ou postcoloniaux. Des recueils comme
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Cette sélection poétique est une invitation à voyager autrement : à l’intérieur de vous-même, à travers la langue quechua, dans les strates de l’histoire, ou simplement dans les rues de Lima. Parce que lire, c’est aussi écouter ces voix que le vent des Andes murmure à celles qui tendent l’oreille.